Pandore, la première femme, créée par Zeus pour mettre les hommes à leur place

Pourquoi y a-t-il deux sexes ? Le mythe de Pandore revient sur la naissance des femmes, qui signe, pour les humains, la fin de l'âge d'or. Un épisode où il n'est pas question de boîte de Pandore, mais de banquet, de tromperie, et d'un duel Prométhée / Zeus où les humains sont les dindons de la farce.

Dynamythe 💥
4 min ⋅ 07/01/2024

📻 Chronique issue de l'émission On se lève et on se casse de novembre 2023 sur Radio Campus : A table, avec Lauren Malka et Aurélia Aurita.

Dans son livre Mangeuse, Lauren Malka cite dans un mythe qui parle à la fois d’une femme et de nourriture : le mythe de Pandore.

Ce mythe revient sur l’origine d’un sujet qui a beaucoup préoccupé les grecs :

Pourquoi y a-t-il deux sexes ?

Une question d’autant plus essentielle que les Grecs répartissent tout ce qui peut expliquer le monde en deux catégories : ce qui relève du masculin (forcément supérieur) et ce qui relève du féminin (vous avez l'idée).

Ainsi, le chaud est masculin, le froid féminin, et si l’homme est supérieur à la femme, c’est selon Galien, le père de la médecine occidentale, parce qu’il est plus chaud (« La femelle est plus imparfaite que le mâle par une première raison capitale, c’est qu’elle est plus froide », cité dans cet article).

Le mythe de Pandore revient donc à l’origine de cette différenciation homme - femme que perçoivent les Grecs.

Plus précisément, il explique pourquoi les femmes sont apparues alors que les hommes étaient bien tranquilles entre eux.

Car avant Pandore, il y avait des humains ; mais c’étaient tous des hommes. Ils cohabitaient avec les dieux en toute innocence, ils ne travaillaient pas - la nature pourvoyait à leurs besoins - et ils ne vieillissaient pas : c’était l’âge d’or que raconte le poète Hésiode dans sa Théogonie.

Mais lorsque Zeus devient le maître de l’Olympe, il décide de donner une place à chaque chose dans le cosmos. Pour la place des hommes, qui ne sont ni des immortels, ni des animaux, il est un peu embêté : il fait donc appel au titan Prométhée, que l’historien Jean-Pierre Vernant surnomme le soixante-huitard de l’olympe. Pour Prométhée, tout ordre, toute hiérarchie implique une injustice : il décide donc de tromper Zeus.

Quelle place assigner aux hommes ? Le duel Zeus / Prométhée

Prométhée prépare deux tas de nourriture (difficile de se représenter ça aujourd’hui !) : l’un avec juste les os, mais sous une appétissante couche de graisse ; et l’autre, avec la chair, mais cachée dans un estomac de bœuf d’aspect répugnant.

Prométhée propose à Zeus de choisir la part qui reviendra aux dieux et celle qui reviendra aux hommes. Zeus n’est sans doute pas dupe, mais il choisit la part qui a un bel aspect mais qui ne contient rien : c’est pourquoi les humains mangent de la viande, alors que les dieux se nourrissent du fumet.

Prométhée 1 - Zeus 0.

C’est aussi pourquoi Zeus décide de se venger.

Il retire la vie (bios) qui était auparavant en accès libre pour les hommes, qui doivent donc se mettre à travailler : ils doivent cacher des graines dans la terre pour les faire pousser et pouvoir se nourrir (le score est à 1 partout).

Zeus prive également les hommes de feu. Prométhée le vole (2-1 pour Prométhée), mais le feu qu’il rapporte est de moins bonne qualité que celui de Zeus : les hommes doivent le cacher sous la cendre pour l’entretenir, sinon il meurt.

Et dans un ultime rebondissement, pour répondre au vol du feu par Prométhée, Zeus créée Pandore, dont descendent toutes les femmes.

L’ancêtre de toutes les femmes est l’outil d’une vengeance divine

Zeus demande à Héphaïstos de modeler Pandore à partir de glaise, et de lui donner la beauté d’une déesse - car si jusque-là il n’y avait pas de femmes, existaient tout de même des déesses. Pandore reçoit de nombreux dons des dieux, ainsi Athéna lui apprend-elle à tisser - cela n’a l’air de rien, mais c’est tout de même l'occupation principale de toute femme grecque qui se respecte. D’autres dons sont moins appréciables : ainsi Hermès lui donne-t-il un appétit de chienne.

  • Pandore - et toute la lignée des femmes - sont la réponse de Zeus à Prométhée qui a caché la nourriture dans un estomac répugnant : elles sont un ventre jamais rassasié et l’homme doit travailler sans s’arrêter pour les nourrir.

  • Les femmes sont aussi la réponse de Zeus à Prométhée qui a volé le feu : elles sont un feu qui dessèche l’homme avec leur appétit sexuel insatiable.

N’empêche que lorsque Zeus dévoile sa création, Pandore, au concert des hommes et des dieux, toute l’assemblée est conquise. Car de la même façon que le sacrifice lie les humains et les dieux, mais en traçant une frontière nette entre eux - aux humains la chair, aux dieux le fumet - les femmes sont à la fois à l’image des déesses et avec un caractère animal.

Zeus, vainqueur par KO.

L’arrivée des femmes coïncident pour les hommes à la fin de l’âge d’or :

  • ils doivent doivent cacher la semence du blé dans la terre pour se nourrir,

  • ils doivent cacher la semence du feu dans la cendre pour se chauffer et cuire leur nourriture,

  • et ils doivent cacher leur semence dans le ventre des femmes pour avoir des enfants. (Rappelons que comme la graine et la braise, c’est la semence de l’homme qui est active, le ventre de la femme n’est qu’une matrice passive - selon la médecine grecque, c’est l’homme qui fait les enfants).

Vous vous étonnez que l’on parle du mythe de Pandore, sans parler de boîte ?

Sachez qu’il s’agit d’un épisode mineur pour les Grecs. D’ailleurs, dans l'Antiquité, il n'était même pas question de boîte, c'est au XVIe siècle qu'elle a fait son apparition à cause d'une erreur de traduction d'Erasme, comme le rappelle Nathalie Haynes dans son podcast de la BBC (en anglais).

C'est une lecture chrétienne du mythe de Pandore qui en fait un double d’Eve - une autre histoire qui évoque une femme séduisante et de la nourriture, mais qui ajoute une culpabilité absente du mythe antique. Car malgré son estomac de chienne, aucun récit de l’Antiquité ne tient Pandore pour responsable des maux de l'humanité ; elle est simplement l’agent d’un changement voulu par Zeus pour les hommes.

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Par Chloé de Dynamythe

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