📻 Chronique issue de l'émission On se lève et on se casse de mars 2024 sur Radio Campus : les fratries féminines, un impensé féministe

Quand Pauline m’a annoncé que le thème de l’émission porterait sur les fratries féminines, j’ai poussé un soupir de soulagement. L’année dernière, nous avions eu des émissions qui traitaient de la diet culture ou de l’avortement, pour lesquelles les références antiques avaient été moins évidentes à trouver ; là, je n’avais que l’embarras du choix.

Dans la mythologie grecque, en effet, les déesses sont souvent membres de fratries féminines plus ou moins nombreuses et plus ou moins personnifiées. Certaines sont essentielles à la marche du cosmos, et sans rapport aucun avec la vieille antienne de la rivalité féminine : on peut penser aux trois Parques, qui déroulent et tranchent le fil des vies humaines, aux neuf muses qui président aux arts, aux gorgones, et encore à bien d’autres. Et chez les humaines, Hélène et Clytemnestre, ou encore Ariane, qui sauve Thésée, et Phèdre, sa soeur, qui épouse Thésée, après qu’il a abandonné Ariane (Thésée qui avait enlevé Hélène quand elle était enfant : le monde grec est petit!).

Cette pléthore de soeurs témoigne bien sûr que de la valeur clé que constitue la famille dans la culture antique. Les mythes sont bien souvent des histoires de famille - parfois d’autant plus difficiles à démêler les dieux sont immortels et que les générations se mélangent.

Des soeurs, il y en a donc pléiades. Et d’ailleurs, les pléiades ce sont des soeurs… et elles pourraient être le plus vieux mythe de l’humanité.

Qui sont les Pléiades ?

Les Pléiades, ce sont les sept filles d’Atlas, le titan condamné à porter la voûte céleste pour l’éternité. Il y a plusieurs versions du mythe, mais pour l’essentiel, elles se concentrent sur un thème davantage que sur un récit : celui de sept sœurs poursuivies par un chasseur, Orion. A leur mort, elles sont placées dans le ciel pour former un amas d’étoiles ; Orion est lui aussi représenté dans le ciel, poursuivant les sept sœurs : c’est la constellation d’Orion.

Dans l’une des versions de ce mythe, l’une des soeurs épouse un mortel et disparaît. Cela pourrait correspondre au fait que l’une des étoiles est devenue historiquement invisible à l'œil nu.

Ce qu’il y a de surprenant, c’est que récemment, des chercheurs australiens ont repéré des similarités entre le mythe grec des pléiades et des mythes aborigènes. En Australie, des récits racontent l’histoire de sept soeurs, dont l’une est morte, ou a été enlevée, ou se cache d’un homme ou de trois hommes qui la pourchassent, si bien que seulement six des soeurs sont visibles.

Selon ces chercheurs, des récits similaires sur une « Pléiade perdue » se retrouveraient dans de nombreuses traditions, qu’elles soient européennes, africaines, asiatiques, ou encore amérindiennes. l’explication de ces similitudes serait que ce mythe remonterait à plus de cent mille ans : c’est la date à laquelle l’étoile en question a cessé d’être visible. Cette date remonte avant les grandes migrations hors du continent africain… cela en ferait le mythe le plus vieux du monde.

A l’origine de l’une des premières histoires de l’humanité, on trouverait donc une fratrie féminine… Alors même que comme le rappelle Blanche Léridon dans son ouvrage Le château de mes sœurs, des Brontë aux Kardashians, enquête sur les fratries féminines, il n’y a pas de mot dans la langue française pour les décrire. Il devenait donc urgent de leur redonner leur juste place, comme elle a entrepris de le faire.

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